parole le bruit des âmes tsune
Le 23 juin 1854, un esprit qui se fait appeler le « portier sombre » se manifeste au cours d’une séance particulièrement bruyante : aux coups de la table s’ajoutent les aboiements des chiens, que l’assistance suppose troublés par la présence de spectres, et qui se taisent sur l’injonction de l’esprit : « Les chiens hurlaient dans toute la plaine et sur toute la grève. Dès « Aurore », le poète affirme qu’au bruit charmant de la nature printanière et de l’églogue, son art doit mêler des clameurs plus sombres : Dans cette paix sacrée où croît la fleur choisie,Où l’on entend couler les sources et les pleurs,Où les strophes, oiseaux peints de mille couleurs,Volent chantant l’amour, l’espérance et la joie ;Il faut que, par instants, on frissonne, et qu’on voieTout à coup, sombre et grave et terrible au passant,Un vers fauve sortir de l’ombre en rugissant ! 17 Le manuscrit d’« Écrit sur un exemplaire de la Divina Commedia » est daté du 22 juillet 1853 ; sous l’influence de Delphine de Girardin, la première expérience spirite de la famille Hugo a lieu le 11 septembre de la même année. Qui annonce le retour des printemps meurtriers. Dans « Quand nous habitions tous ensemble… », un bruit à peine perceptible se mêle, dans la mémoire, du poète, au murmure déjà ténu de sa fille : Le soir, auprès de ma bougie,Elle jasait à petit bruit,Tandis qu’à la vitre rougie,Heurtaient les papillons de nuit. À l'heure où les sirènes traversent nos silences. Futur des Dakotas dans les ténèbres en sang 9Dans « Les luttes et les rêves », le poème dédié à la musicienne Louise Bertin, « Écrit sur la plinthe d’un bas-relief » antique, explicite la puissance esthétique et signifiante des bruits omniprésents en affirmant : « La musique est dans tout. Le mage, l’oracle, se fait alors médium, dans tous les sens du terme. Seule la fille aînée parle : polyphonique, le recueil renferme aussi les mots de Léopoldine, mais ceux-ci demeurent minimalistes et se caractérisent toujours par leur brièveté et leur simplicité : « Elle entrait et disait : “Bonjour, mon petit père” » (« Elle avait pris ce plis, dans son âge enfantin… », p. 281) ; « Lorsqu’elle me disait : Mon père, / Tout mon cœur s’écriait : Mon Dieu ! Pas d'émeutes aujourd'hui dans la ville aux yeux vides, 15 Le motif du clairon, ou de la trompette, est récurrent dans l’Apocalypse, et fonde la mission prophétique de Jean : « Je fus ravi en esprit au jour du Seigneur, et j’entendis derrière moi une voix forte, comme le son d’une trompette, qui disait : Ce que tu vois, écris-le dans un livre ». Et quelques fols hurlants roulant des quatre feuilles S'attaquent aux somnambules qui sortent leurs poubelles. Your Amazon Music account is currently associated with a different marketplace. « Tous les esprits ont un bruit. Pour faire de ce bourdonnement une pensée, il faut une parole autre : la poésie. XV, t. 2, p. 863-864. 5Livres du « sourire », « Aurore » et « L’âme en fleur » sont aussi les plus bruissants des Contemplations. » (p. 156). 21 Le Livre des Tables, op. 18Aussi le poète s’indigne-t-il lorsque, « Trois ans après » la mort de sa fille, on lui suggère de quitter le deuil et son silence pour reprendre la parole et se mêler au vacarme mondain : Quoi ! C’est néanmoins dans l’amour que se réalise le mieux l’accord, le battement des cœurs se faisant l’écho de toutes les pulsations du printemps, ainsi que le suggère « Sous les arbres » : Ils songeaient ; ces deux cœurs, que le mystère écoute,Sur la création au sourire innocentPenchés, et s’y versant dans l’ombre, goutte à goutte,Disaient à chaque fleur quelque chose en passant. « Les Classiques de Poche », 2002, p. 31. voici le bruit de sa main sur la clé !Attendez ! 18 Le Livre des Tables (P. Boivin éd. Commentaires sur les paroles de Le Bruit. Du silence heureux à l’éclat apocalyptique en passant par les pleurs du deuil, les bruits du recueil traceraient ainsi un crescendo existentiel et mystique. À l’optimisme d’« Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique » répond l’autre poème dédié à Louise Bertin, dans lequel le silence du chagrin n’est plus rompu que par « le glas » et les sanglots de l’« océan triste » qui ressasse inlassablement les soupirs du deuil (p. 338). elle vient ! 17 Le manuscrit d’« Écrit sur un exemplaire de la Divina... 18 Le Livre des Tables (P. Boivin éd. La contemplation se double d’une écoute, déjà à l’œuvre dans le troisième poème d’« Au bord de l’infini », première allocution de l’au-delà où un spectre multiplie les notations sonores pour faire de la rumeur et du silence les deux faces du mystère (« Un spectre m’attendait dans un grand angle d’ombre… », p. 508). Même « Suite », qui dit leur force performatrice, en offre une image inquiétante : « Cette toute-puissance immense sort des bouches. (p. 279). L'avenir se déplace en véhicule blindé. ), Paris, Gallimard... 27Poursuivant son ascension dans l’échelle des êtres, Dante devient « un lion rêvant dans les déserts, / Parlant à la nuit sombre avec sa voix grondante » (ibid.). ), Paris, Éditions des Cendres, 2004. De même que Berlioz, l’année suivante, fait entendre à coups de timbales et cymbales les pas de la mort approchante dans sa « Marche au supplice », Hugo fait du bruit un matériau poétique lorsque gronde en ses vers le tumulte des « Djinns » : 1 V. Hugo, Les Orientales, in Œuvres poétiques I. Avant ... La rumeur approche.L’écho la redit.C’est comme la clocheD’un couvent maudit ;Comme un bruit de foule,Qui tonne et qui roule,Et tantôt s’écroule,Et tantôt grandit,Dieu ! Dans « Chose vue un jour de printemps », le bruit des hommes et des choses forme déjà un contraste saisissant avec le silence de la mort, ineffable, que seule peut personnifier une créature mythologique : 10Oui, les buissons étaient replis de rouges-gorges,Les lourds marteaux sonnaient dans la lueur des forges,[…], Tout vivait ; les marchands comptaient de grosses sommes ;On entendait rouler les chars, rire les hommes ;Les wagons ébranlaient les plaines ; le steamerSecouait son panache au-dessus de la mer ;Et dans cette rumeur de joie et de lumière,Cette femme étant seule au fond de sa chaumière,La faim, goule effarée aux hurlements plaintifs,Maigre et féroce était entrée à pas furtifs,Sans bruit, et l’avait prise à la gorge et tuée. » Le langage inarticulé demeure néanmoins un horizon vers lequel tend la poésie du contemplateur, dans la mesure où, à l’opposé de « la langue en ordre, auguste, époussetée » (« Réponse à un acte d’accusation », p. 55), le petit bruit familier renferme toute la vie et représente un gage de simplicité, de sincérité, d’authenticité. Cette irruption du silence perturbe toutes les perceptions : en même temps que la nuit et l’automne envahissent le livre, le sens des bruits se brouille. 9 Sur le mythe de Babel dans l’œuvre de Hugo, voir L. Ch... 10 « Il se dit : – Mourir, c’est connaître ; / Nous cher... 17Les bruits du monde semblent en effet le contraire des harmonies naturelles : au babil des enfants et des oiseaux, qui est un langage sans être une parole, s’oppose la grande Babel sociale9, grande confusion de mots qui traduisent la vanité des existences et des ambitions. Devant l’expérience de l’indicible et de l’insoutenable, la parole humaine, plus encore que le chant des oiseaux ou le souffle des forêts, perd sa valeur et son sens. Le père se souvient de sa fille qui « jasait à petit bruit » (« Quand nous habitions tous ensemble… », p. 283) et de ses fils plus tapageurs : Ses frères riaient… – Aube pure !Tout chantait sous ces frais berceaux,Ma famille avec la nature,Mes enfants avec les oiseaux ! Où les soleils' austères des aurores éternelles cit., p. 389. » (« Quand nous habitions tous ensemble… », p. 282) ; « Elle disait souvent : Je n’ose, / Et ne disait jamais : Je veux » (« Elle était pâle, et pourtant rose… », p. 284). Parlent-ils ? (p. 209). printemps ! « Pleurs dans la nuit » fait du scepticisme et de l’athéisme des surdités plus que des aveuglements : Leur âme, en agitant l’immensité profonde,N’y sent même pas l’être, et dans le grelot mondeN’entend pas sonner Dieu ! 20 Le manuscrit de « Quand nous habitions tous ensemble… » est daté du 16 octobre 1852. 19« Le bruit » désigne ici la renommée, le retentissement d’une carrière forcément vaine à l’oreille de celui qui écrit « le livre d’un mort » (Préface, p. 25). Aussi le poète déchiffre-t-il la partition de l’univers en même temps qu’il lit le livre de la nature décrit et partiellement décrypté dans « Je lisais. Où les chiens se déchirent en s'arrachant la tête. Le mage est donc avant toute chose un interprète, chargé de faire entendre raison à ceux qui ne saisissent pas la langue des choses et du gouffre. If you found mistakes, please help us by correcting them. L’exil est par conséquent le lieu privilégié de son éclosion : le fracas des paroles humaines y laisse place au bruit d’une nature sublime : « La rumeur des vivants s’éteint diminuée / Ici, le bruit du gouffre est tout ce qu’on entend » (« Écrit en 1855, p. 332-333). Les machines à écrire s'enflamment sur la neige, C'est la noce des nues, la noce des hobos, ), Paris, Bréal, 2005, p. 489. Les auto-mitrailleuses encerclent les manèges, (« Le firmament est plein… », p. 39). 31Le 28 mai 1854, les médiums de Marine-Terrace s’entretiennent avec l’esprit de Shakespeare qui leur livre, en une phrase, un saisissant résumé du mystérieux phénomène qu’ils sont convaincus de vivre : « Les pieds d’une table sont des pas qui résonnent dans l’escalier des âmes21 ». Ils ne sont pas des gens à valse lente Les bons rôdeurs qui Les Contemplations sont pourtant pleines de bruits et de rumeurs qui, selon la préface, structureraient le recueil : « Cela commence par un sourire, continue par un sanglot, et finit par un bruit du clairon de l’abîme » (p. 26). 28De l’« Aurore » jusqu’« Au bord de l’infini », le poète se met en effet à l’écoute du moindre souffle qui pourrait le faire entrer en communication avec les disparus. Car celle-ci est auditive autant que visuelle, ainsi que le proclame la bouche d’ombre, dès les premiers vers de son discours : « Et l’oreille pourrait avoir sa vision, / Car les choses et l’être ont un grand dialogue » (p. 507). Prime members enjoy fast & free shipping, unlimited streaming of movies and TV shows with Prime Video and many more exclusive benefits. 14 « Celui qui dira à son frère raca mérite d’être puni par les juges », Matthieu, 5 : 22. laissez-moi, que j’écoute !Car elle est quelque part dans la maison sans doute ! ), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1964, p. 654. je fus comme fou dans le premier moment… », p. 280). Que murmuraient les chênes ? Le bruissement heureux de la nature résonne encore dans « Les luttes et les rêves » (dans « Aux arbres », notamment), mais devient l’exception, dans un paysage sonore de plus en plus inquiétant. C'est Goethe à Weimar qui n'a pas vu le temps Christian Bobin Un bruit de balançoire l'Iconoclaste ( 97 pages – 19€ ) 30 Août 2017 Le nouveau Bobin, comme l'annonce le bandeau, les fidèles lecteurs de l'auteur l'attendent comme les hirondelles le printemps, pour y découvrir « le nid bâti sous la poutre du langage » ! 11 Le souvenir des enfants disparus, Charles (décédé en 1871) et « Dédé » (Adèle, vivante mais internée en maison de santé depuis 1872), situe « Georges et Jeanne » dans la continuité de « Pauca meæ » : « Ils jasent. Patiemment, les secrétaires des séances notent ces lentes révélations, ils entendent l’écriture en train de se faire. 13Les remémorations nostalgiques de « Pauca meæ » mêlent les cris et les rires des enfants libres de « La vie aux champs » au « doux bruit » des êtres fragiles qui ne sont pas tout à fait de ce monde. 16 Étymologiquement, le mot « contemplation » renvoie au... 26Les mots eux-mêmes ne suffisent cependant pas à clarifier les bruits du monde, et peuvent ajouter la confusion à l’énigme. (« Il faut que le poëte… », p. 108). Autres paroles de Oldelaf. C'est l'onde de chaleur, dans le désert glacé, En-deçà ou au-delà des mots en même temps que par eux, Les Contemplations orchestrent ainsi, comme en sourdine, un vaste concert de « bruit discipliné » où l’intime et le politique, le terrestre et le métaphysique, cherchent à s’accorder. Les bruits participent alors, au même titre que les rayons et les fleurs, du topos de la reverdie, qui atteint les dimensions d’un élan panique. 2 H. Berlioz, Traité d’instrumentation et d’orchestration [1844], Paris, Henry Lemoine, 1993, p. 275. / Six ans : Ça grimpe12. Nom/Pseudo: Commentaire #1 Pony-reactor. Ils traduisent en effet une plénitude sans cesse réaffirmée : « Les grands arbres profonds » sont « pleins de jour et d’ombre et de confuses voix » (p. 37), et toute la nature est à l’unisson : Tout regorge de sève et de vie et de bruit,[…]Un refrain joyeux sort de la nature entière ;Chanson qui doucement monte et devient prière. (p. 192). (Toutes les références aux Contemplations renverront désormais à cette édition et seront signalées dans le corps du texte.). Pour un temps, peut-être : Alain Vaillant a montré que « avant le mot, Hugo perçoit les phonèmes ; avant les phonèmes, les sons ; avant les sons, les bruits3. Dans cette étrange écoute de l’au-delà, à la fois gigantesque et intime, qui occupa des mois durant les proscrits de Jersey, s’enracine un autre prophétisme, un autre rapport aux bruits, qui retentit partout dans Les Contemplations. Apprécié partout. » P. Valéry, « Les Pas », Charmes [1922], in Œuvres (J. Hytier éd. Voyou (ft. Yelle) Les bruits de la ville ALBUM. Retrouvez les paroles de Lucienne Delyle - La Valse Brune lyrics : VALSE BRUNE 1. Juste quelques ados qui s'exercent au suicide Quant à l’interjection que le poète prête à ses détracteurs rétrogrades, « Racca » (p. 48), il souligne la vacuité de leurs discours. 6Une analogie, dans « Après l’hiver », souligne le caractère primordial de ces rumeurs printanières : les insectes sont au jour ce que les étoiles sont à la nuit. Une oeuvre dense et profondément originale dans la littérature française d'aujourd'hui, dans laquelle l'écrivain lorrain s'interroge sur notre propension à faire le mal et notre capacité à … Avec « son chanvre autour des reins tordu », le cordier semble un ermite, frère des anachorètes que sont le pâtre de « Magnitudo parvi » et le vieillard des « Malheureux ». 17 Les bruits du monde semblent en effet le contraire des harmonies naturelles : au babil des enfants et des oiseaux, qui est un langage sans être une parole, s’oppose la grande Babel sociale9, grande confusion de mots qui traduisent la vanité des existences et des ambitions. Paroles de Le temps des tachyons par Hubert-Félix Thiéfaine. Hommage à Guy Rosa (C. Millet, F. Naugrette et A. Spiquel édd. Les enfants sont ici doués de parole, mais « Le revenant » remonte jusqu’aux premiers murmures de la vie et sacralise la respiration à peine perceptible du nouveau-né : Ce nouveau-né couchait dans un berceau de soie ;Sa mère l’allaitait ; il faisait un doux bruitÀ côté du chevet nuptial ; et, la nuit,La mère ouvrait son âme aux chimères sans nombre,Pauvre mère, et ses yeux resplendissaient dans l’ombre,Quand, sans souffle, sans voix, renonçant au sommeilPenchée, elle écoutait dormir l’enfant vermeil. 6 « Car j’ai vécu de vous attendre, / Et mon cœur n’était que vos pas. De même que le révolté d’« Ibo » est un clairon, l’auteur de la Divine comédie « fut » l’un des chênes de Dodone qui, par le bruit du vent dans leurs branchages, permettaient aux prêtres de Zeus d’entendre les paroles du dieu. / Le reste est apparence ou bruit » (p. 256). Oui, comme la fleur parle / À la source des bois ; comme leur père Charle, / Enfant, parlait jadis à leur tante Dédé ; / […] / Ce n’est pas la parole, ô ciel bleu, c’est le verbe ; / C’est la langue infinie, innocente et superbe / Que soupirent les vents, les forêts et les flots », V. Hugo, L’Art d’être grand-père [1877] (C. Gély éd), in Œuvres complètes, (J. Massin dir. Les sons reprennent dans « En marche », mais la méfiance, si ce n’est l’hostilité, demeure. 25Sur cet acte de traduction repose tout le poème « Mugitusque boum » dans lequel Hugo, après Virgile, donne forme humaine aux « grandes voix solennelles » des bœufs (p. 365). elle a parlé !Tenez ! (p. 283). Dans « À la fenêtre pendant la nuit », le songe change la parole en un bruit surgi des profondeurs et qui se mêle aux grandes voix inarticulées de la nature : « Par moments le vent parle, et dit des mots sans suite, / Comme un homme endormi » (p. 440) Mais ces confins du langage sont surtout l’apanage des enfants, infantes, littéralement « ceux qui ne parlent pas ». En même temps qu’elles constituent des flèches décochées à l’égard des hiérarchies classiques, certaines audaces de « Réponse à un acte d’accusation » peuvent se lire comme une irruption du bruit en poésie. / […] / Cherchons le lion et non l’antre ; / Allons où l’œil fixe reluit. Poème de l’audace et de la révolte, « Ibo » est paradoxalement aussi celui d’une forme d’abandon de soi, de soumission à un devoir supérieur : à l’instant où il s’affirme, le poète s’efface pour n’être plus qu’un médium, l’immense instrument de l’obscur : « Je suis le poëte farouche, / L’homme devoir, / Le souffle des douleurs, la bouche / Du clairon noir » (p. 399). (p. 284). La juxtaposition de la « parole » et du « bruit » dit l’inanité d’un certain langage, sans rime, raison ni harmonie. To enjoy Prime Music, go to Your Music Library and transfer your account to Amazon.co.uk (UK). Matérialisation de la poésie rugissante souhaitée dans « Il faut que le poëte… », l’animal préfigure également l’un des esprits qui, peu après la rédaction du poème, se manifestent à Marine-Terrace17. 22Dans le voisinage du grondement des gouffres – l’océan, la nuit, la mort –, la poésie gagne en profondeurs, et les métaphores sonores sont convoquées pour dire sa puissance. Si le titre du recueil renvoie à l’interprétation des auspices16, leur équivalent sonore est également évoqué, dans « Écrit sur un exemplaire de la Divina Commedia », lorsque Dante décrit sa deuxième métempsychose : « Je fus un chêne, et j’eus des autels et des prêtres, / Et je jetais des bruits étranges dans les airs » (p. 169). 15 Le motif du clairon, ou de la trompette, est récurren... 23« Ibo » réitère cette exigence, qui devient promesse et défi : « Et, si vous aboyez, tonnerres, / Je rugirai » (p. 401). 1 V. Hugo, Les Orientales, in Œuvres poétiques I. Avant l’exil, 1802-1851 (Pierre Albouy éd. To calculate the overall star rating and percentage breakdown by star, we don’t use a simple average. Paroles de Les bruits de la ville. 8 Voir L. Charles-Wurtz, « La coupure des Contemplations... 11Le poème préfigure ainsi le deuil et le désarroi d’« Aujourd’hui » où la mort passe « sans bruit » dans le livre, en une ligne de pointillés8. » (p. 240). La parole conserve néanmoins ses droits et s’avère indispensable pour transcrire des vérités confusément entendues et rendre intelligible le bruissement indistinct du monde. Que disaient les fontaines ? « Le revenant » le dit et le fait entendre, en une syntaxe averbale et une métrique hachée, déchirées de chagrin et de silence : – Une mère, un père, la douleur,Le noir cercueil, le front qui se heurte aux murailles,Les lugubres sanglots qui sortent des entrailles,Oh ! » (p. 188). 7 Sur l’importance du rythme dans la poésie hugolienne, voir C. Millet, « Figures du rythme », communication au Groupe Hugo du 22 octobre 2005, http://groupugo.div.jussieu.fr/groupugo/05-10-22Millet.htm, 8 Voir L. Charles-Wurtz, « La coupure des Contemplations », communication au Groupe Hugo du 21 octobre 2000, http://groupugo.div.jussieu.fr/groupugo/00-10-21wurtz.htm. 5 « Un jour je vis, debout au bord des flots mouvants… », Les Contemplations (L. Charles-Wurtz éd. ), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1957, t. I, p. 120. que de fois j’ai dit : Silence ! Dans cette logique à la fois simple et stupéfiante pourrait résider l’une des clefs de la dialectique du bruit et du silence qui traverse Les Contemplations : dans l’œuvre poétique du jour comme dans l’œuvre spirite de la nuit, Hugo s’attache à dé-couvrir le murmure des morts enfoui dans le brouhaha de la vie. 7L’harmonie est à son comble lorsque les bruits humains se confondent avec ceux de la nature. Les bruits se font moins présents, plus syncopés et plus douloureux dans ce livre et le suivant, « Pauca meæ », qui marquent le temps du « sanglot ». Paroles de Le temps des tachyons par Hubert-Félix Thiéfaine, Vous pourriez être intéressé par nouvelles. Clairvoyance égarée dans les versets d'un drame printemps ! Sorry, there was a problem saving your cookie preferences. Bourdonnements, pépiements et souffles dans la ramée s’y font sans cesse entendre, manifestation sensible d’une vie et d’une vitalité débordantes. 2 H. Berlioz, Traité d’instrumentation et d’orchestratio... 3 A. Vaillant, « Le vers de Victor Hugo, “comme un lambe... 2L’effet sonore produit par les assonances, les allitérations et le crescendo du mètre est comparable à l’usage de la grosse caisse que propose Berlioz dans son Traité d’instrumentation et d’orchestration : « Elle peut […] n’intervenir dans un morceau d’ensemble, au milieu d’un vaste orchestre, que pour redoubler peu à peu la force d’un grand rythme déjà établi, et graduellement renforcé par l’entrée successive des groupes d’instruments les plus sonores. 07/04/2017 à 16:51:33. Nous rêvons tous un peu de jours plus lumineux... Approved third parties also use these tools in connection with our display of ads. 13 A. de Musset, « Ballade à la lune », in Poésies complètes (F. Lestringant éd. (p. 412). Le motif du clairon, apocalyptique15, fait de lui le messager des révélations, à moins qu’il ne soit la révélation en personne. Les mots humains, glorifiés dans « Suite » – « Car le mot c’est le Verbe, et le Verbe, c’est Dieu » (p. 63) –, ne sont donc qu’un bruit de plus dans la grande rumeur universelle, ni plus ni moins signifiant que les autres. » (p. 543). Par sa présence discrètement religieuse, et par la superposition des bruits simples, l’industrie des hommes se trouve intégrée à l’ordre de la nature. Il faut dès lors que retentisse le « clairon de l’abîme » pour que les sons de l’univers forment de nouveau un langage « discipliné » par les révélations des voix qui s’élèvent « Au bord de l’infini ». Aussi le père endeuillé guette-t-il les bruits familiers de la disparue : Oh ! 4 Voir F. Naugrette, « L’instant photographique dans “Me... 5 « Un jour je vis, debout au bord des flots mouvants… »... 3Le lyrisme de l’exil est en effet celui de la vision, annoncée dès le titre et les premiers mots du poème liminaire, et relayée par l’inspiration photographique4. 24Tout bruit fait sens : telle est l’une des leçons majeures de la bouche d’ombre qui enseigne que « « Dieu n’a pas fait un bruit sans y mêler le Verbe » (p. 508). ), Paris, Gallimard, coll. 15En somme, Léopoldine tait plus qu’elle ne dit, elle reste petite, purement enfant, et c’est là sa grandeur, énoncée dès les premiers vers de « Magnitudo parvi » : « Je tenais par la main ma fille, enfant qui rêve, / Jeune esprit qui se tait ! déjà vos fronts s’effacent. Le motif du bruit des petits, ou du petit bruit, est récurrent dans le recueil et toujours très positivement connoté. Apocalypse, 1 : 10-11. Au regard de l’importance conférée aux corps célestes dans le recueil, le parallèle équivaut à une véritable sacralisation du bruissement de la nature, qui suggère déjà la grandeur des petits et l’animisme que doit révéler la bouche d’ombre. Entraînant des enfants aux allures de zombis. De même que l’expérience spirite peut infléchir le sens d’un texte, les révélations de la bouche d’ombre invitent à une relecture du recueil : puisque « tout est plein d’âmes » (p. 508), les bruissements des premiers livres sont autant de voix à déchiffrer ; le lecteur, désormais, est, comme le poète, à l’écoute. / Quoi ! 14Par la grâce du souvenir et des rires enfantins, la nature retrouve son harmonie purement musicale. / La terre est sous les mots comme un champ sous les mouches » (p. 61). À partir du 11 septembre 1853 pourtant, le dernier vers devient, pour les habitants de Marine-Terrace, une vérité incontestable. 9 Sur le mythe de Babel dans l’œuvre de Hugo, voir L. Charles-Wurtz, « Image, imaginaire et pensée de Babel », in L’Œil de Hugo (P. Georgel, D. Gleizes, S. Guégan, S. Le Men, G. Rosa et N. Savy dir. En 1856, dans Les Contemplations, les « pieds » des tables et ceux de la versification font de nouveau retentir l’approche d’esprits étranges ; mais l’escalier est désormais devenu la caisse de résonnance de l’ombre et de l’ailleurs, et les rumeurs du monde, « disciplinées » et déchiffrées par le travail conjoint du poète-compositeur et du lecteur-interprète, orchestrent une élévation. Féminité pulpeuse et Beauté mystérieuse 16Pour que les bruits enfantins se chargent d’ambivalence, il faut que l’innocence de la nature cède la place à la violence de la société que forment les jeunes élèves du « Maître d’études » : leur bruit est toujours synonyme de vitalité, mais il se teinte d’une part de cruauté, parce qu’il est également la rumeur du groupe à laquelle se heurte le silence du penseur solitaire, et qui menace son individualité : Vos mains, jetant chacune un bruit, un trouble, un mot,En raturant en lui l’idée dès qu’elle éclot,Toutes en même temps dans son esprit écrivent. Ce qui était dialogue, musique et prière se mue en une indéchiffrable énigme. Try again. Tu verras c'est ta chance Les gens viennent ici et tout recommence Au milieu des bruits de la ville Toi t'arrivais toute timide Perdue dans le décor. » : Donc, courbé, – c’est ainsi qu’en marchant je traduisLa lumière en idée, en syllabes les bruits, –J’étais en train de lire un champ, page fleurie. Avec d'étranges trainées rougeâtres aux auréoles. Les vagues d'intimité se voilent de brume & d'ombres. penche-toi sur l’être et l’élément ! Le langage se réduit parfois à ses composantes les plus minimes : de même que Musset, désinvolte et provocateur, avait fait rimer « le clocher jauni » avec « un point sur un i13 », Hugo fait rimer « débordé » avec « A B C D » (p. 48) et « chef » avec « F » (p. 49). Quelques statues brisées sur fond de ruine gothique Seulement votre bruit couvre parfois le leur19 », répond le « portier sombre ». Lorsqu’il s’écarte de la vérité, le langage humain perd sa consistance et se dégrade en bruit, ainsi que le devine le pâtre de « Magnitudo parvi » qui, solitaire et en quête de l’essentiel, rejette les rumeurs superficielles des hommes à la périphérie de son univers : « Il se dit : – Le vrai, c’est le centre. « À vous qui êtes là » renoue le dialogue, mais la nature se dérobe face aux appels de l’exilé : « Il disait aux ruisseaux : “Retiendrez-vous mon nom, / Ruisseaux ?” Et les ruisseaux coulaient en disant : “Non” » (p. 340). Quant aux vivants de « Quia pulvis es », ils ont tort de plaindre les morts de leur surdité supposée, et révèlent par là leur propre incapacité à entendre l’ordre du monde : « Ceux qui restent à ceux qui passent / Disent : – Infortunés ! Dans le même esprit, les mots « toutou » (p. 51) et « papa » (p. 55), sans être à proprement parler des onomatopées, intègrent au vers des sonorités faussement hypocoristiques et vraiment ironiques, qui sonnent comme des insolences enfantines. © 1996-2020, Amazon.com, Inc. or its affiliates. (p. 226-227). En 1829, dans « Les Djinns », « l’escalier profond » était un refuge où l’on fuyait une marche surnaturelle orchestrée pour le plaisir du frisson. L’image fait écho au « clairon de l’abîme » de la préface, et marque une évolution par rapport au don du pâtre de « Magnitudo parvi » qui « entend le clairon du ciel » (p. 254) : le voyant perçoit le bruit, le poète l’incarne. Dans « À celle qui est restée en France », il entend « toute l’ombre » crier vers lui : « Ô songeur ! L’écoute n’est pas délaissée, mais elle est placée sous le signe du silence, figuré par la ligne de pointillés du 4 septembre 1843, ou de la parole articulée – de la « voix » murmurante qui « parl[e] à l’oreille » du contemplateur dans le premier poème5, à celle, tonnante, de la bouche d’ombre.

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